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FARĪD AL-DĪN ‘ATTĀR : MANTIC UTTAÏR ,CHAPITRE XIII, vers 1030 à 1070.

 


Cliquer sur l'édition complete de la traduction par

J. H. GARCIN DE TASSY de

 MANTIC UTTAÏR ou LE LANGAGE DES OISEAUX 

.

Ceci est un extrait du CHAPITRE XIII, vers 1030 à 1069.

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Ensuite tous les autres oiseaux apportèrent, dans leur ignorance, une quantité d'excuses. Chacun d'eux donna une sotte excuse ; toutefois il ne l'énonça pas dans l'intérieur de la réunion, mais sur le seuil. Si je ne te répète pas les excuses de tous ces oiseaux, pardonne-moi, lecteur, car ce serait trop long. Chacun d'eux n'en avait qu'une mauvaise à présenter ; aussi comment de tels oiseaux pouvaient-ils embrasser dans leurs serres le Simorg ?

Celui qui préfère le Simorg à sa propre vie doit se combattre vaillamment lui-même. Quand on n'a pas trente grains dans son nid,[139] il peut se faire qu'on ne soit pas amoureux du Simorg. Puisque tu n'as pas un gésier propre à digérer le grain, pourrais-tu être le compagnon de jeune du Simorg ? Lorsque tu as à peine goûté au vin, comment en boiras-tu une grande coupe, ô paladin ? Si tu n'as pas plus d'énergie et de force qu'un atome, comment pourras-tu trouver le trésor du soleil ? Puisque tu peux te noyer dans une goutte d'eau imperceptible, comment pourras-tu aller du fond de la mer aux hauteurs célestes ? C'est bien réel et ce n'est pas une simple odeur. Ceci n'est pas l'affaire de ceux qui n'ont pas le visage net.

Lorsque tous les oiseaux eurent compris ce dont il s'agissait, ils s'adressèrent encore à la huppe en ces termes : « Toi qui te charges de nous conduire dans le chemin, toi qui es le meilleur et le plus puissant des oiseaux, sache que nous sommes tous faibles et sans force, sans duvet ni plumes, sans corps ni énergie ; comment pourrons-nous enfin arriver au sublime Simorg ? Notre arrivée auprès de lui serait un miracle. Dis-nous avec qui cet être merveilleux a de l'analogie ; car sans cela des aveugles comme nous ne sauraient chercher ce mystère. S'il y avait quelque rapport entre cet être et nous, nous éprouverions de l'inclination à aller vers lui ; mais nous voyons en lui Salomon, et nous sommes la fourmi mendiante. Vois ce qu'il est et ce que nous sommes : comment l'insecte qui est retenu au fond du puits pourra-t-il s'élever jusqu'au grand Simorg ? La royauté sera-t-elle le partage du mendiant ? Cela pourra-t-il avoir lieu avec le peu de force que nous avons ? »

La huppe répondit : « O oiseaux sans ambition ! comment un généreux amour pourrait-il surgir d'un cœur dépourvu de sensibilité ? Cette sorte de mendicité, dans laquelle vous semblez vous complaire, est pour vous sans résultat. L'amour ne s'accorde pas avec le manque de sensibilité. Celui qui aime les yeux ouverts[140] marche à son but en jouant avec sa vie. Sache que quand le Simorg manifeste hors du voile sa face aussi brillante que le soleil, il produit des milliers d'ombres sur la terre ; puis il jette son regard sur ces ombres pures. Il déploie donc son ombre dans le monde, et alors paraissent à chaque instant de nombreux oiseaux. Les différentes espèces d'oiseaux qu'on voit dans le monde ne sont donc tous que l'ombre du Simorg. Sachez bien cela, ô ignorants ! Dès que vous le saurez, vous comprendrez exactement le rapport que vous avez avec le Simorg. Admirez ce mystère avec intelligence, mais ne le divulguez pas. Celui qui a acquis cette science est submergé dans l'immensité du Simorg ; mais, gardons-nous de dire qu'il est Dieu pour cela. Si vous devenez ce que j'ai dit, vous ne serez pas Dieu, mais vous serez à jamais submergés en Dieu. Un homme ainsi submergé est-il pour cela une transsubstantiation[141] ? et ce que je dis à ce sujet peut-il être considéré comme superflu ? Puisque vous savez de qui vous êtes l'ombre, vous devez être indifférents à vivre ou à mourir. Si le Simorg n'eût pas voulu se manifester au dehors, il n'aurait pas projeté son ombre ; s'il eût voulu rester caché, jamais son ombre n'eût paru dans le monde. Tout ce qui se manifeste par son ombre se produit ainsi visiblement. Si tu n'as pas un œil propre à voir le Simorg, tu n'auras pas non plus un cœur brillant comme un miroir propre à le réfléchir. Il est vrai qu'il n'y a pas d'œil susceptible d'admirer cette beauté, ni de la comprendre ; on ne peut aimer le Simorg comme les beautés temporelles ; mais, par excès de bonté, il a fait un miroir pour s'y réfléchir. Le miroir, c'est le cœur. Regarde dans le cœur, et tu y verras son image. »



08/11/2012
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