Bernard GUEIT : Cérémonie du soleil
Photo et suite poétique extraite du blog de Bernard Gueit , pour le retrouver en vidéo
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Quelque chose commence
entre les lignes de la main
quelque chose
comme une guitare
au cœur léger
aux cordes sensibles
aux mèches noires
Quelque chose
comme une maison invisible
sans murs ni fenêtres
mais avec un feu à l'intérieur
que l'on se passe
de main en main
On dit que les guitares allument
des lucioles au fond des yeux
et quand nous sommes des rois mages
nous les prenons pour des étoiles
que nous suivons
sur nos chameaux et sur nos dromadaires
quelque chose commence
entre les lignes imaginaires
et dans les lignes imaginaires
la guitare accroche ses notes
qui parfois nous chavirent le cœur
Alors nous partons
sur nos chameaux et sur nos dromadaires
nous croisons des chevaux arabes
et d’étranges personnages
de carton de lumière qui
la nuit donnent des fêtes
pour éclairer nos vies
Le ciel déroule sa toile peinte au dessus de nous
dans les villages seules les églises sont éclairées
tintements des grelots
les cahots du chariot
on entend
la musique
de la mer
Certains de nous
sont faits d’un bloc d’étoile
tombé du ciel
d’autres sont pétris dans la glaise
d’autres encore sont les fils du vent
d’autres enfin on ne sait pas
peut-être
sortis de la mer
ou plus simplement fils de loup
fils de tigre ou de merle moqueur
peu importe
la lune est leur amie
la même lune pour tous
et les étoiles les bordent
dans leur lit d’herbes folles
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Nous descendons des Dieux.
peut-être ce souvenir de puissance
cet orgueil cet inconnu aussi en nous
qui nous pousse en avant
nous cherchons à comprendre
ce petit bout d'étoile fêlé au coin du front
nous sommes les peuples de la mer
habitués à nous battre avec l'écume
la parole des vents
à aimer les très grands poissons
nous portons le souvenir de l'eau au front
un très vieil hippocampe,
une pieuvre au regard vert
nous nous sommes apprivoisés tout seul
qui nous l'aurait appris ?
dans la douceur des vagues
ce très ancien remue-ménage au fond des eaux
nous en faisons une maison de voyage
et nous voguons
toujours vers l'ouest
comme pour fuir notre naissance
ou faire le tour de nous-mêmes, de bout en bout,
Voguons !
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Nous commençons seulement
à parler
par nous mêmes
et pour nous-mêmes
nous nous faisons peur
avec ces mots pas encore à nous
ces bruits du cœur
ces images remplies de sang
un jour
nous passerons sous la lumière
et nous vaincrons
les taureaux d'ombre
un jour les étoiles
se rapprocheront de nous
à nous toucher
dans leurs bras bleus scintillants
nous commençons seulement
à compter les jours
qui nous séparent du début
et nous rapprochent de la fin
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Cela vient d’Orient sur les bouches humaines par le vent des flûtes Le souffle bleu des collines quand fume la mer l’opium gris des raisins d’amiante l’accent se répand comme un fleuve de fleurs L’accent épice des langues les poètes conseillent de le manger cru à jeun petite gousse d’ail et les poètes écoutent la chaleur désir de la terre et rien ne leur échappe ce que chante le grillon furieux le micro des cigales électriques l’annuaire électronique des herbes folles et quand on leur parle de poésie répondent Allez-y Emportez avec vous le goût du monde Mâchez lentement comme une chewing-gum cosmique et tournez avec lui aussi vite que lui dansez sur le parking de l’univers ils se voyaient déjà mordre les étoiles leurs dents d’ivoire brillaient aux éclats
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Elle avance à la rencontre du soleil
légère irrémédiable
Son ombre est découpée dans la douceur
et dans la mort
mais ses cheveux nagent dans la lumière
et à l’envers des eaux usées
elle remonte vers la pitié des hommes
Elle avance à la rencontre du soleil
Un vieux cerf-volant l’accompagne
Les gosses la suivent depuis la frontière
Elle marche à travers les ruines de son corps
On manipule son ombre derrière elle
On torture sa mémoire
mais elle se reconstitue
Personne ne croit à son histoire
Pourtant le sel ne ment pas
Simplement on ne veut plus de ses larmes
Nous attendions un signe du soleil
Quelque chose qui nous dise :
réveillez-vous
reprenez votre marche en avant
Nous avions étendu nos corps de sable
au bord de la mer
et nous écoutions son histoire incroyable
Elle semblait venir de loin
mais son accent était si proche du nôtre
Parfois sa voix même se confondait avec la nôtre
Elle nous demandait à peine de la croire
Peut-être même ce qu’elle aurait voulu
c’est qu’on lui dise
tais-toi
ne nous arrache plus les yeux
Mais non nous n’en avons pas eu le courage
Peut-être aurait-elle voulu qu’on la tue
pour que son corps reste à jamais
statue muette devant la mer
Non je ne suis pas le vrai visage des hommes
Je ne suis que le reflet de leur haine
Regardez ce qu’ils ont perdu
Dans mes yeux vous lirez leur peur
Que ma peur éloigne les bateaux du rivage
Que la vie jamais n’aborde à ces contrées !
Mais le plus souvent elle se taisait
Sa douleur nous était alors insupportable
La lune se voilait de noir
On entendait des cris terrifiants dans la mer
D’immenses poulpes aux yeux rouges surgissaient
et l’écume ensanglantait les vagues
Alors elle se réveillait en sursaut
Parfois elle chantait avec une voix de petite fille
Nous ne la comprenions pas
Cela semblait une très ancienne chanson
Dans le groupe le musicien avait dit :
c’est une mère
Quel âge avait-elle ?
Nous ne nous étions même pas posé la question
Il nous suffisait
C’était une mère
certainement à cause de la chanson
Dans notre groupe il n’y avait pas de femme
Celle-ci était une exception
mais il nous semblait qu’elle était indispensable
Savait-elle ce qu’elle avait rejoint ?
Savions-nous nous autres
Ce qui nous avait rejoints ?
Notre mémoire était brûlée
un petit tas d’os et de pierres au soleil
que le sorcier tentait en vain de reconstituer
Les hommes riaient
de le voir faire ses incantations
Elle l’aidait parfois
à rassembler la mosaïque
des souvenirs communs
Nous ne voulions plus nous attarder
à notre passé
Il nous brûlait la peau
Ce signe du soleil devait nous apaiser
Nous n’avions pas envie de savoir
Cette femme savait des choses terribles
Nous avions été intelligents
Nous avions su maîtriser des forces
Mais nous nous étions conduits comme des bêtes
Le soir accroupie à côté du feu
elle hurlait comme une louve
et les loups répondaient
Leurs cris me paraissaient presque humains
Dans le groupe j’étais le seul poète
Il y avait le musicien
et celui qu’on appelait le sorcier
(Il était diplômé d’un tas d’écoles)
et des ouvriers des paysans des fonctionnaires
Des gens simples
qui nous avaient choisis pour survivre
qui nous avaient condamnés
à témoigner
Ce que nous ne voulions pas
Ce que cette femme faisait
tous les jours
devant nous
Un jour le sorcier à force
de remuer les petits cailloux
et les tas d’os de la mémoire
vit une image
et il enferma cette image dans une boite
Quand il nous la montra
tout le monde reconnut une télévision
pas à la boite
mais aux images
On se voyait dedans comme dans un miroir
Cela nous fit beaucoup de mal
Cela ne nous aidait pas
Le sorcier haussa les épaules
Il cherchait à recoller des morceaux
c’est tout
pas à faire mal
Il jeta la boite à la mer
mais elle se débrouilla
avant que la boite ne disparaisse
à recueillir une ou deux images mouillées
qu’elle mit à sécher sur le sable
On y voyait un enfant
et puis après c’était horrible
Personne ne pouvait regarder
mais elle souriait à l’image
elle ne voyait que l’enfant
elle lui souriait
avant de s’endormir
Nous eûmes la visite de Dieu
Le sorcier s’entretint plus d’une heure avec lui
Puis Dieu passa lentement parmi nous
en nous serrant la main
Les hommes restèrent indifférents
deux joueurs ne levèrent même pas la tête
quand il les salua
Il ne s’approcha pas d’elle
mais il la regarda longtemps
Elle était nue
Elle contemplait le soleil
Il semblait désapprouver
Le sorcier le raccompagna
puis resta silencieux
le reste de la soirée
Elle attendait le signe du soleil
Le sorcier pensait qu’elle seule
pourrait le déceler
Pour nous le signe c’était quelque chose comme
un tremblement de tous les membres
des perles de sueur sur le visage
un sang qui s’accélère
Enfin une idée qui
Nous aurait transpercé le cerveau
Pour elle le signe
C’était avant tout quelque chose
qui calme
une fin tranquille presque heureuse
Pour la nourriture c’était simple
Il nous suffisait de ramasser les poissons morts
que rejetaient les vagues sur le rivage
Ils étaient empoisonnés
mais nous l’étions encore plus qu’eux
et s’il y en avait eu un de vivant
peut-être aurait-il représenté un danger pour nous
mais elle disait ne pouvoir manger
que des poissons vivants
Aussi ne mangeait-elle presque rien
quelques mouches qu’elle gobait à la volée
en riant
Les mouches survivent toujours
on les voit partout sur les cadavres
Cadavre était un mot qui
revenait souvent dans sa bouche
Nous savions
qu’il s’était passé des choses terribles
mais nous ne pouvions dire quoi
Surtout nous ignorions
si nous en avions été les acteurs
ou les victimes
C’est pourquoi le sorcier pensait
que nous ne pourrions pas
voir le signe du soleil
Elle s’appelait Hélène
C’est le nom que nous lui avions donné
Ça l’avait fait sourire
parce que c’était le sien
Elle était la seule à connaître son nom
À la revoir je trouve
qu’elle souriait souvent
Mais ce sourire ne chassait pas la douleur
Il la surmontait
Il flottait comme un reflet d’argent sur son visage
puis semblait s’infiltrer à nouveau en elle
comme le ruisselet dans la terre
Alors vint le signe du soleil
Nous n’y prîmes pas garde
mais un matin
chacun se leva et après s’être lentement habillé
dit « Au revoir »
Le sorcier remit son costume
Le musicien emporta son instrument
Je rassemblai quelques papiers
et chacun s’en alla
pour revivre comme avant
Hélène avait disparu
Le signe l’avait avalée
Avant de partir M Andréas le sorcier ricana
« Jusqu’à la prochaine fois »
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Que la nuit commence
avec ses sirènes
que la nuit brûle son parfum
son haleine de fruits rances
que le ciel allume
le tumulte des réverbères
Que les tombes explosent
que les regards s’enfouissent
dans la terre comme au ciel
Que ton nom soit sacrifié
Que la terre tourne
au vinaigre
Que l’enfer soit la loi
Que les buissons brûlent
avec les moutons
Que les bergers ne dénoncent
Que les poètes se fassent décorer
Que soient élus les parrains
Que les pauvres apprennent la transparence
Que la jeunesse se sente coupable
Que l’argent n’ait pas peur de la mort
Que l’on abreuve de sang le soleil
Que l’on dise le plus performant
Et aussi
Que les mines anti-personnelles
ne sécrètent plus leur ombre
Que le jour se lève
que la mer dépose ses mouettes sur ta joue
Que le soleil ne se croit pas innocent de tout
ni coupable
que tu joues à guérir
Que si les anges existent
qu’ils nous apprennent d’abordla légèreté
ensuitela compassion
alors peut-être il
nous poussera des ailes
Fais nous voir le printemps
et l’air ensoleillé
comme un zéphyr
et la lune
que je passe à ton doigt
comme un sentiment
solennel
et la neige bleue
derrière la vitre
au soleil fugitif
et la nuit dans son blouson de cuir fauve
qui abrite la démence du feu
et les gouttières noires des prisons
Fais nous pardonner à ceux
qui ne nous ont jamais pardonné
que la nuit sorte des rangs
qu’elle prenne figure humaine
qu’elle maquille son ombre
avec des lèvres rouges
que son corps n’ait plus peur
du jour
qu’elle jette sa boite de somnifères
qu’elle ose montrer ses enfants
et l’eau verte la mousse les fougères
l’automne comme un châle
sur un sentier de feuilles
Que l’été soit adulé
pour s’être bien battu
sec et nerveux
comme un orage
Que l’hiver ajoute
de la neige
sur ma page
Noël comme une bombe glacée
au chocolat/napalm
et la terre comme un gâteau
petite planète
petite planète
que ta volonté soit faite
tes millions d’années de glace de feu et d’espoir
ton acharnement pour la vie
tes doutes secousses et tremblements
tes déluges de lumière
la vitesse de tes voyages
tes montagnes échevelées
et tes ombres qui galopent
vers les équateurs
le vent se blesse
autour des pôles
à la glace coupante
déchirés les nuages
comme un train de menaces
montent des cantiques
depuis ces trains de brouillard
et le soleil appelle en vain
la mer s’agite
dans son miroir de sel
aux milles algues songeuses
les mots disent
les habitudes des morts
ce n’est rien calme-toi
petite planète langoureuse
les horloges pétrifient le temps
ton image muette
vue de là-haut
puis les cris joyeux
des cours de récréation
d’immenses fleuves autos
et des grattes ciels qui brillent sous
les étoiles like diamonds
et nous qui mangeons
l’ombre et la lumière
toreros de la vie
réelle comme un songe
quand la nuit
nous met sous tension
quand le bonheur rapide
nous étreint sur la route
quand on vit sans les guillemets
au beau milieu de la scène
la parole plantée dans le cœur
comme le bec dans la cage de l’oiseau
pour un chant à tire d’aile
Voyez les anges
personne n’y croit
personne ne les a vues
pas même au fond d’un garage
ou dans les caves
d’abord les ailes
pour la légèreté
puis la compassion
pour les rendre plausibles
ni plus ni moins que nous
improbables mais
plausibles
petite planète ronde et bleue
quand elle descend du bus
priez pour nous
pauvres pêcheurs des rivières souterraines
quand l’horizon l’eut engloutie
jamais ne nous sentîmes si seuls
et l’eau acclame
un public de fleurs
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Déterrent le soleil
s’avancent en habits de fête
leurs mots de soif à mourir
s’arrachent aux puits poussiéreux
fleuves morts embrassent
le squelette d’arbres secs
contre les affiches de l’unicef
profèrent nos villes fouets
à s’ouvrir leurs veines d’hommes bleus
voici la forêt vierge en marche
cascade verte à la foire du trône
la guitare machette d’Hendrix
ruissellement des planètes
Femmes voilées sous les étoiles futures
les bras ouverts d’un continent
Vous voici la mémoire brûle
d’un jeune vieillard qui parle sans arrêt
Son cœur électronique
shaman des nébuleuses
dans la nuit pétrolière
envoûte l’énergie
depuis l’origine du black-out
réchauffe la vieille lune
Astronautes reines du Nil
le désert pourrit sous les masques
De l’océan émerge
Multicoque à la proue miraculeuse
du Sud au Nord
un bateau contre le vent
Un bateau enfin arrive
depuis le fond de la naissance
en remontant la vallée des morts
un navire nous ressuscite
Dis petit blanc dans ton auto
notre histoire nous était cachée
dis petit blanc dans ton Ego
nos ancêtres les Gaulois
venaient du Tanganyika
par le détroit de Gibraltar
qui alors était une terre ferme
et d’inventer le feu
et d’inventer l’amour
et d’inventer la poésie
En Afrique du sud, on considérait le mariage d’un blanc avec une noire d’un noir ave une blanche comme pornographique
Femme voilée sous les étoiles futures
Femme assise dans l’inconscient des hommes
Femme au travail
Femme à la dure
Femme africaine
Femme voilée sous les étoiles futures
Ton corps dune
Tes yeux lunent
Et tes rêves gazellent
Au nord 10 000 dollars par tête et par an espérance de vie 74 ans au sud 280 dollars par tête et par an espérance de vie
En voie de sous-développement plus ils sont pauvres plus ils sont pauvres
En train de crever aucune raison que ça s’arrête tout le monde le sait
Tu iras jusqu’au cimetière des éléphantsapprendre la danse pluieOh grigris Oh métros aérienstu planteras les racines du tam-tam
Ta bouche descendra les fleuves jusqu’à la mer
Il fera jour
Tu te feras connaître
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Sur le quai les guitares
pour la mort du soleil
tant des pas se croisent
dans les mémoires
tant de langues surgissent
pleins phares
au détour d’une phrase
quand on marche on entend
les voix les chansons
leur rythme vous accompagne
et les vagues
contre la coque du bateau
et le ciel
qui déferle avec ses constellations
le tunnel vers la lumière
Identité quand tu cherches tes racines
prends garde à ne pas t’enterrer
identité le pays c’est le passage
la grande salle d’attente
tout le monde la traverse un jour
certains s’y évaporent
ils se condensent sur les fenêtres
puis dessèchent dans le désert
ou se noient dans les grandes villes
dans les pays riches
si t’as rien, t’as rien !
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Les nuits brûlent contre la raison, liberté, chaudes nuits des orages, des étoiles filantes au parfum de volcan, liberté aux rivières de glace, aux fruits juteux, l'été, le corps flotte sans chemise, liberté du taureau dans le ciel, l'herbe au souffle coupé, liberté formes rousses, chevelures, flammèches de la Saint Jean, feux de frères et sœur, lumière née du désordre et d'un cri : Avenir ! jamais éteinte sous la cendre et les remises au pas, sous le pavé tendre des rues, les chemins creux des rêves, les chemins heureux, le chariot de l'été laboure l'espérance !
Mais comment imaginer être libre quand on ne l'a jamais été ? Quelle mémoire, quelle histoire, dans quelle source puiser ? De quelles pensées s'affranchir, par quels mots s'émanciper ?
Il fait nuit comme en plein jour. Conscience, coupe à travers champ au plus vite ! Femmes, vos yeux sont des planètes luisantes autour des feux de joie, des feux de larmes ! Toujours, elles tissent le pont de la douleur entre la naissance et la mort. Sans rien dire !
Liberté qui naît dans le sang et qui meurt de même.
Liberté au couteau sous la gorge.
Connaissez-vous ces pays de derrière les barreaux, tout en vitrines, façades, sourires de relations économiques ?
Oui, je vois que vous les connaissez...
Et ceux où les barreaux sont encore plus subtils, où un mécanisme complexe de chaînes invisibles étrangle les paroles, comprime le souffle, arrache les cordes vocales ?
Oui, je vois que vous les connaissez aussi.
Mais comment imaginer être libre quand on ne l'a jamais été ? Quelle mémoire, quelle histoire, dans quelle source puiser ? De quelles pensées s'affranchir, par quels mots s'émanciper ?
Qu'est ce qui nous retient au bord du jour naissant ? Quand les statues se brisent, quand quelque chose vacille après les gestes de l'amour, quand les étoiles sont encore plus belles et plus certaines, quand Dieu s'éteint de lui-même dans la mémoire encore neuve des hommes...
Qu'est ce qui nous retient au bord de l'inconnu ?
Nous n'aurions pas encore fait le tour des possibles dans cette trajectoire folle des cavernes aux stations orbitales ?
De quoi avons-nous peur, O infini fini, lancés comme des bolides dont la course s'achève en panne d'énergie ?
Mais comment imaginer être libre quand on ne l'a jamais été ? Quelle mémoire, quelle histoire, dans quelle source puiser ? De quelles pensées s'affranchir, par quels mots s'émanciper ?
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Rien je ne puis
vous offrir d'autre
que ce souffle un peu lent
que ce qui tremble en moi
qui diffuse sa lumière
sur les matins de sable
les yeux penchés
à votre oreille
dans l'air léger
comme une brume
quand les fontaines
espèrent le jour
Rien queces anges qui passent
les yeux fermés dans les gares
les vapeurs de l'enfance
sous les os du soleil
et au bord de la mer
la nuit l'intensité
chants profonds à la lune
les vagues d'espérance
le vent qui s'arrache aux persiennes
la pluie blessant la voix
des oiseaux migrateurs
le chemin d'arc en ciel
le dernier bruit des hommes
Rien je ne puis
vous offrir d'autre
que la fraîcheur aux joues
le cœur à la volée
un sentier fraternel
vers l'aube inexplicable
que ce qui parle en moi
le jardin des secrets
les paroles indécises
de nos rêves
un testament d'alcool
sur les villes flottantes
où passent les années
ces balcons de lumière
où se jette le ciel
Rien que vous
Rien
que vos silences appris
que ces tumultes
charriés par votre sang
que vos regards
portés loin
sur les murs
Que votre peau splendide
sous les aiguilles d'ombre
Ce cœur à corps du mal
cette lumière terrible
sous les marteaux de la vie
Entendez-vous ?
la mer écume notre sommeil
nous sommes saouls
de son souffle
Entendez-vous
la peur
qui submerge nos villes ?
Assez parlé !
La honte rétrécit
notre cœur !
Rien
je ne puis rien
vous offrir
rien
qu'aujourd'hui
la terre le ciel et la lumière
la mer le sable nu
le Mistral les amis
rien pour vous
Redressons-nous !
11
Quand tu reviendras
il fera si beau
que la maison ne sera que lumière
les tuiles auront
la transparence du ciel
redescendu sur terre
pour un instant de bleu
on confondra
la mer avec tes yeux
Je serai l’épouvantail
des vergers
amoureux des cerises
qui joue à faire peur
aux oiseaux
comme un chat
Quand tu reviendras
il fera jour pendant
quarante jours et
quarante nuits
nous ne dormirons pas
l’amour fera la fête
et la ville pleurera
des perles de joie
Je serai le piéton
des rocades
à l’avant de la cité dortoir
j’allumerai le brasero des étoiles
en souvenir de tes lueurs
Quand tu reviendras
on se pendra au cou de la guitare
Il fera chaud
comme au bord de la mer
dans ton grand manteau de soleil
ton regard me brûlera
jusqu’au sang
Doucement
Le monde entier
tournera
comme un rêve
Sans trop savoir
ce que cela veut dire
nous y serons
au milieu des quatre vents
Quand tu reviendras
sans avoir écrit un seul mot sur la terre
sans avoir mangé une seule bouchée de sable
sans l’avoir griffée une seule fois de ma main,
je t’attendrai au carrefour
les pieds trempés
quelques cheveux d’ange encore à mon cou
plus loin
les vagues
auront le même élan
Quand tu reviendras
ton ombre sur la ronde
ton cœur de plumes
ta joie
nous serons à nouveau sur la terre
je serai amoureux de toi
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Marche marche encore
marche + loin + vite + fort
monte au chemin noueux
là piétinent tes rêves de sabot
Les étoiles s'effritent au dessus de la terre
tu recherches une foule secrète dans le décor
Tu retournes l'herbe qu'on assassine
tu retrouves le goût des juments
et les rivières que transfusent tes veines
parfois s'inquiètent
surprises dans leur élan
La nuit habille en bleu tous tes efforts
Pays d'accueil quand le vent
soufflait dans ma tête
ses flocons de rage et de peur
Pays d'accueil c'est celui
que les trains écrivent de leur langue de feu
Pays d'accueil c'est se connaître un peu
et ne plus savoir d'où on vient
elle avait posé son sourire sur la ville
Pays d'accueil
les nuages les nuits critiques
le soleil prisonnier dans l'arène
le sang dans les naseaux
J'habite un jardin
une rivière en triangle
une marée verte au Printemps
j'habite à l'est de son sourire
au sud de ses enchantements
Elle avait posé son sourire sur la ville
s'était ensevelie de fleurs
elle marchait un jardin dans la tête
les anges l'accompagnaient
Pays bleui par le chant du froid des veines
l'avancée des glaciers
Pays noyé dans la pluie des rivières
disparu derrière les buissons de brume
Pays d'accueil
c'est l'horizon en flammes
c'est l'été sous les coups de marteau
c'est l'hiver au cœur de pierre
c'est l'automne dans ses ronces joyeuses
et le printemps qui se suicide à 20 ans
Pays d'accueil c'était elle
si peu connue et tant aimée
la nuit qui vient
qui est là
toute froide
et son regard sa peau
noircis bien avant le jour
un exil si lent à voix basse
à pas de loup
à pas de lumière grise
une étoile quelque part pour elle
un océan de cheveux noirs
et le ciel s'enroule autour d'elle
la nuit mâche un sommeil de mort et de calmants
Sur la poussière des visages
un soleil coupé en deux
a soif
Penche toi vers la rivière au luxe fragile
tu y verras ses épaules de verre
ses joues transparentes
et ses cheveux blanchis par la rosée de l'aube
Pays d'accueil c'est le ciel renversé sur la terre
c'est la chance du taureau dans les constellations
c'est la nuit qui nous colle à la peau
c'est la terre qui recouvre tout
c'est notre nom qui s'effondre en poussière
Pays d'accueil c'est le temps qu'il faut pour dire bonjour
et au soir pour éteindre ses bougies une à une
Des chevaux remontent le temps
l'herbe verte dans les ouïes
ils galopent à contre-courant
s'approchent de la rivière aux yeux d'or
une eau si pure
Quelques secondes
de trouble et de lumière
nous séparent
de l’éternité
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On fera quelque chose avec vos silences magnifiques
et mieux qu'un feu et mieux qu'un poème et mieux qu'un lit
dans la cage de tous les jours
votre cœur s'est tu
comme l'oiseau métronome
qui sonnait les douze coups de la vie
On fera quelque chose
même si vous ne voulez pas
mais si
on fera quelque chose
de plus beau qu'un poème
et alors vous voudrez
Il y a loin des chemins
de l'un à l'autre
et de l'un à tous
et retour
Il y a loin depuis le temps que nous sommes en route
Mais on peut construire des ponts avec la panique
faire des champs de blé avec les douleurs de la faim
des sources avec la soif
Je dis tout ça en vrac
mais les explorateurs et les saxophonistes
savent inventer leur chemin
avec les miettes d'un pays
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Si je devais me reprendre un chemin
je choisirais celui du soleil
toujours gai
parmi les cailloux et les ronces
J’honorerais sa clarté ombrageuse
je la porterais à ma voix
et j’emmènerais des seaux de lucidité
là où la peur éloigne la connaissance
et j’arroserais de lumière
les puits boueux de la conscience
je ne serais que voix que parole que furie
si je marchais dans les pas du soleil
et le vent serait mon seul terrible frère
Ils s’étaient endormis
crois-tu
de l’autre côté du silence
la pesanteur ayant broyé leurs corps
ils n’étaient plus qu’un film vidéo
leurs paroles frissonnaient dans le souffle des abeilles
Un grand abîme s’ouvrait en eux
comme en nous
parfois
le vide attire le vide
En attendant la solitude la lueur et le sombre
ils écrivaient dans les dents de la nuit
Quand ils dorment, c’est la ville qui leur sert d’oreiller
ils regardent les métros passer au bord du fleuve
un matin s’éveillent entre les jambes de la tour Eiffel
des bisons galopent vers le futur
le feu perpétuel n’est pas éteint
les camions roulent leurs chevaux éreintés
l’herbe des gares s’envole parmi les papillons
Donnez moi une fontaine pour écrire
un boulevard où passer ma vie
quelques fantômes, un château de cartes
un siècle pour mourir
Donnez moi
du rythme
du sang dans le cœur
du son dans les oreilles
et des mots sur les murs
et des fréquences radios
Donnez moi
1000 ans pour vivre
et des antennes pour communiquer avec les galaxies
le grand soleil
pour fermer les yeux au ciel
et un monde inconnu à portée de la main
Grandes idées s’écrivent en rouge sur les lèvres
parle avec tes symboles
ton peu à dire
ta musique et ta voix
Nous avons dit nos peurs
nous avons dit notre compassion pour le monde
si les murs de l’ombre ont reculé
nous avons dit nos peurs
our compassion
Le soir ouvre grand sa porte
aux fleuves qui parlent
aux voix qui écoutent
aux murmures qui s’emparent des jardins
Quand l’été plongeait dans la mer
comme une grande mouette bleue
quand tu regardais l’ultime soleil rouge
prendre son bain de sang sur la terre
tu écoutais le soir venir avec son chant d’Espagne
et ses voix de velours
et les fontaines se rassemblaient
autour des cercles de guitare
le figuier parfumait la fraîcheur des paroles
inexorablement le rouge virait au noir
comme le vin
et portait l’estocade au taureau de la nuit
Le soir on parle du monde
avec une infinie précaution
écoutez son grand cœur qui halète et gémit
la pluie qui se blesse au couteau de la haine
les regards qui s’éteignent avant d’avoir vécu
les trottoirs qui s’envolent
les chemins qui se perdent
En attendant la solitude, la lueur et le sombre
comment montrer ce que nous sommes aujourd’hui ?
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J’ai aimé le chant brûlant du thé dans ma gorge
et les grands magasins
j’ai aimé le cœur lent du désert
et le corps à corps des villes haletantes
tous ces instants que j’ai aimés
sauf le dernier sauf de me taire
j’aimais celui qui m’avait dit
embrassons-nous dans la lumière
jusqu’à aimer ce qui n’est pas possible
dans ce qui est possible
ce qui n’est pas permis
jusqu’à aimer le voile
quand il était la mise en scène de nos regards
ce théâtre de noir et de rouge
de l’ancienne corrida
l’instant où la mort meurt
entre les deux yeux
même avec bravoure
jusqu’à aimer l’ombre
avant qu’elle ne soit un linceul
j’aimais le sable parce qu’il est simple et beau
le bruit des étoiles sur leur chemin de ronde
le désastre du soir
et son peu d’espérance
j’aimais mon silence à cet âge
j’aimais ne pas dire j’aimais
ne rien vouloir devenir
que soi
Le ciel rôde
si l’on parle tard dans la nuit
les voix frissonnent dans la tiédeur de l’air
les parfums s’accordent comme des violons
J’aimais le mystère des chats
eux seuls me comprennent
et la tendre cruauté des tigres
la lente dérive des heures et des hommes
dans les villes battues par la mer
les fleurs le miel et la lumière dorée
j’aurais voulu me perdre dans la lumière
au pays de la connaissance et de la poésie
quand on parlait des inventions des découvertes
quand on calculait le monde
à la somme des regards
la multiplication des êtres
la soustraction du mal
la division des pouvoirs
l’égalité devant la vie
La nuit m’envahit de son spleen
il me faut vivre jusqu’à demain
demain sera la fête des morts
je danserai pour eux qui murmurent à l’oreille
Inclinez vous devant la vie
l’orgueil de vivre
cette légitime fierté
car c’est aux vivants qu’il faut rendre le premier hommage
si vous êtes de ce monde
alors tout est possible
je ne suis rien
de rien
de rien
qu’un monument de sable
et de désir
emmurée dans la prison de mon cœur
un homme y dort tout éveillé
je lui parle comme à un trésor
celui qui m’embrassait dans la lumière
enferme-t-on le soleil dans un puits ?
16
Ami je viens d’un pays lointain
jusqu’à ce jour j’ai marché
jusqu’à ce jour
d’un trou de mémoire loin
ami
je suis venu
Dans mon dos l’été brûlait
comme une perle de sang
le soleil rongeait mon ombre
et mon pays fondait
comme la neige au cœur des hommes
sur le sable d’or
et le trou de mémoire a grandi
A la recherche de moi-même
je suis parti
par les coteaux par les vallées
par les maisons aux tuiles rouges
par les églises et par les ponts
les voies ferrées et les bateaux
les ports ouverts à tous les vents
j’ai voyagé
Quand je suis arrivée à New-York
j’ai demandé au chauffeur de taxi
de m’emmener au centre du monde
et il m’a amenée ici
dans la grande salle d’attente
où tout le monde vient
pour accoucher de quelque chose
ou de lui-même
le type qui hurle
nous autres peuples
nous ne savons pas naître
nous ne savons que mourir
doit être palestinien
Depuis j’habite les foules transparentes
qui font de l’auto-stop
dont la cervelle flotte comme des méduses
Ils sont là depuis 10.000 ans
et même morts
ils attendent encore
qu’on les prenne pour des hommes
17
Je t’aime
ainsi commence une histoire
au bout du monde il y avait toi
l’attraction terrestre nous traque
mille phares mille éclats de toi
dans les ruelles l’horizon danse
il brûle au sud de ma voix
j’ai construit un rêve entre le ciel et l’eau
j’avance la forêt me rattrape
la mer efface le nom des bateaux
ce qui craque
ce qui nous échappe
j’ai construit un rêve entre le ciel et toi
Allez c’est parti
poème qui appareille
c’est parti
dehors un océan d’herbes fraîches
et des chevaux de mer aux paroles salées
je suis encore à quai avec les cartes
vieux bateau qui rouille dans le sommeil des eaux
vieux navire au long cours
Faudra marcher la tête dans la lune
la quille noyée dans l’horizon
tranquille.....
Il y avait une terre lointaine
entre le lit et la lampe de chevet
peuplée d’indiens d’esquimaux et de femmes des tropiques
peuplée de centaures d’éléphants de légendes
et le goût de miel de la voie lactée
Rêver !
j’ai vécu dans un port beaucoup
j’avais un peu voyagé
les yeux gris des sentiers vous font naître où ils veulent
cet appel du vent du chant du large
cette fièvre des étoiles
ces histoires de légion de Rimbaud de contrebande efficace
ces îles glaçons étranges dans les verres de liqueur
et mes amies les anges
vous saluent
ô voyageurs
surgis de la caresse des vents
portés par le seul espoir des vagues
le cœur éclaboussant l’écume
à vos yeux éblouis par l’innocence du ciel !
Je vous salue
sur ce quai des errances
navigateurs célestes
et le sable de vos souvenirs
à la dune de notre mémoire
Rêver les bras ouverts
au sucre doré des épices
au poivre éminent des idées
à la cavalcade des nuages
rêver ! Interdit de rêver !
au bout du monde il y avait toi
petite sirène des néons bleus et rouges
tes lumières à perdre haleine
ce souffle pour ta douleur sauvage
Au carrefour des baraques à sandwichs
chacun rêve ses pas somnambules
intérieurs
de silence
proscrit
Interdit de rêver
aux allumettes qui épousent les lions à la Havane
aux toits des banlieues diatoniques
aux cargos bleus d’azur
à la fenêtre de mes 15 ans
interdit de croire au soleil
à la tangente des comètes
interdit de croire à l’homme c’est un salaud
d’ailleurs regardez-vous !
vous n’avez pas vos noms sur les rues
les rues sans nom
baptisées par les chiens
Place de l’Amour
Rêver !
au choc de nos silex anxieux
la parole a du son et du sens
la nuit rêvée
où les foules chaloupent
dans le craquement des sonos maritimes
et le vent....
Nous étions jeunes alors
sous la barbe du soleil
millions d’algues aux yeux verts
le nom des poissons sur la langue
abattus de poésie
la lumière dévoile la lumière
je revois la terre rouge et chaude
comme un miroir de cendres
sur les voiliers du Nouveau Monde
Nous sommes le real real world !
et personne ne croit en nous
pas même ceux qui nous ont créés à leur image
fantômes signes bruissants à la rivière des crânes
ossements affluent du moyen âge de leurs croyances
Massacres ! hérésies ! Seigneur
comme l’humain est tendre sous la dent
Ceux qui nous aiment
à leur image terrifiante
Messages de paradis
Messages de l’Enfer
rassemblés dans l’ombre
chênes verts des pays méditerranéens
Il n’y avait que le ciel et la houle
quelque chose de très noir envahissait la ville
on ne se voyait plus
rien que les yeux des chats
et le silence
interdit de rêver
sauvage à retenir tes griffes
ta force vive
tes fous rires
ton insouciance
ta crinière de palmiers
ta solitude aussi
je t’aime
ainsi commence une histoire
au bout du monde il y avait toi
bonjour Claret Saint Roch Sainte Anne et Valbourdin
Siblas Le Pont du Suve Bon Rencontre L’Escaillon
La Loubière Saint Jean Magaud Le Mourillon
Montety Les Lices Rodeilhac La Beaucaire
Besagne comme un coeur Méjean et Sainte Musse
Pont Du Las Le Jonquet ma ville des 3 rivières
dont celle des Amoureux
et tous ceux que j’oublie
quartiers quartiers
de toutes les places fraternelles
où le soleil se lève
18
Alors il vient
sous le sabot lent des collines
sa torpeur mauve
ses cailloux hérissés de soleil
Il vient
sa voix rocailleuse
sa misère insolente
son regard épais comme le vin
ses épines joyeuses
et ses mots d'autrefois
ses nuits trop mûres
et ses pins
comme des soldats brûlés
Alors il vient à moi
comme une pastèque aux dents roses
dans la poussière de Juillet
obstinément le même
dans la mémoire brûlante
l'air acide aux oreilles
les mêmes parfums renversants
ruelles d'odeurs initiatiques
la même religion sans Dieu
tu viens à moi plutôt
comme ce grand frère que j'avais oublié
et tu marches
accroché à ton ombre
soumise à un pays neuf
les arbres se taisent
ils t'ont vu naître
ils te rendent visite tous les soirs
indéfiniment le chemin
t'emmène à l'enfance de l'eau
tu brûles les écorces
la pluie va comme un saule pleureur
grandes flaques sur le cœur
et tu marches
des rivières dans les pochesdes poissons à ta bouche
des galets dans la voix
et tu chantes
des cigales pleins les bras
pour des éclats de nuit
le gouffre du mistral
pour des étoiles filantes
et tu marches
les pieds nus dans la mer
jusqu'au mât des collines
et je marche
parmi les ronces de la joie
avec ma femme ma fille
le frisson aux joues des papillons
la lumière blonde et bleue
nous marchons sur l'escalier du rire
le bonheur épinglé comme un pin's sur le cœur
seuls au milieu des hommes
et les foules se donnent rendez-vous sur la route
mêlons nos pas aux langues aux regards aux mélanges
marchons d'un pas léger
la PAIX soit avec vous !
19
Je marche seul à seul
ville sourde
parmi les silhouettes
les fruits répandus
à 16 ans
plein de fureur adolescente
l’orage sèche dans ma gorge
O ma ville
je crois l’aimer
je lui tends mes chaînes
je cherche mes mots
dans la rue
j’entends les cris
dans le ghetto du soleil
Je marche
ville assiégée par la mémoire des places
elles me parlent d’un peuple
qui écrivait le sang des pieuvres
au frontispice des vents
Quand la chaleur se rassemble
autour des fontaines bavardes
midi s’endort
une ruine dans la lumière
Le mistral déshabille les mouettes
le néon bleu des filles étoiles de mer
à s’offrir l’or des bauxites
le trafic la nuit le voyage
au bout du sel
et du sommeil
Je roule dans mon temps nomade
racines sanglantes à l’air
vous croise un voilier triste
au fond des yeux
murènes phares
autoroutes sur les vagues
hommes grenouilles
réfugiés dans le gulf stream de la vie
un pays n’est ce qu’une femme en deuil
un coquillage de souffrance
vide
Dans les quartiers du monde
le soleil plante son totem
linge aux fenêtres taureaux de sang
vierges noires
mêlent peaux langues arabesques
dans les rues à la menthe
Je descends vers la guitare gitane du port
la guitare de Barcelone aveugle de naissance
la guitare satellite enceinte du tiers monde
la guitare aux fleuves crocodiles
la guitare des barbituriques
la guitare nue sous les porches
O Ma ville
Tu t’habilles de bateaux
pins parasols aloès la mer
Darbouka fifres luths mandoles bouzoukis
20
Te voilà débarquant d’un pas imaginaire
dans un sillage de bruits au milieu d’une ville
où parler fait escale quelques jours sans dormir
une ville à voix haute où s’amarre le soleil
une porte poussiéreuse où les guitares klaxonnent
une fille secoue sa crinière de sel rose
les jonques bleues des sirènes glissent le long des trottoirs
une ville qui tangue à la houle du ciel
les marins les taxis les dockers les barmaids
les poissons aux dents jaunes pollués jusqu’aux os
cette ville est un port
Ne bouge pas d’ici
très près du lieu où les bêtes vont boire
se trouve le grand échangeur
Dansent les pas perdus
en surface de la nuit
Dans la grande salle d’attente du monde
on écrase les cigarettes
sur le cœur
21
Ecoutez
des antennes chuchotent et se rejoignent bien au dessus des toits
les rues se tendent les bras
la ville est un disque de Jazz
écoutez le phrasé des murs
la syncope des jardins
au creux des immeubles
le tempo des klaxons
le soleil s’engloutir
partout et nulle part
la pluie dans le tympan des sirènes
Ecoutez
les doigts de la jeunesse
claquent seuls au milieu de la nuit
Regardez la dentelle en verre des vitrines
les projos malades
le blues des réverbères
l’arbre au saxophone dit
que tout le monde veut être
on the sunny side of the street
22
C’est à nous
de conduire le quadrige du soleil
à nous d’allumer les étoiles
et de porter le monde
puisque les DIEUX ne sont plus là !
Allons, il y a un gros travail à faire
les stars dégagez la piste !
Faites entrer les hommes et les femmes !
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